D’où viennent mes limitations dans les postures ?

Distinguer la compression osseuse de la tension musculaire

Est-ce que je peux progresser indéfiniment ?

Vous faites du yoga à peu près régulièrement et vous vous rendez compte qu’il y a des postures qui vous semblent complètement inaccessibles… Ou alors vous vous rendez compte que vous avez progressé par rapport à vos débuts, mais il vous est impossible d’aller plus loin. Qu’est-ce qui se passe ? Est-ce qu’on peut progresser indéfiniment, est-ce que vous pourrez un jour, à force d’efforts ressembler à la posture du magazine ?

Vous vous en doutez un peu, la réponse est non. Les livres d’anatomie ont beau nous proposer des modèles uniques, nous n’avons pas tous le même corps et nous ne pouvons pas tous être à l’aise dans toutes les postures. Nous avons chacun des os différents, des articulations différentes, des tissus, des muscles qui ont leurs propres capacités d’étirement. Selon notre morphologie (forme des os) ou notre physiologie (résistance des tissus) il y a des postures qui nous serons plus accessibles que d’autres.
Certaines personnes par exemple s’entraînent tous les jours à étirer consciencieusement l’arrière de leurs jambes et pourtant jamais elles ne parviennent à faire correctement la Pince. Pourquoi ?

 

Distinguer le « point de compression » de la tension musculaire

Quand vous faites une posture et que vous vous sentez limités, il y a deux possibilités :

  • vous rencontrez un frein osseux et c’est une limite que vous ne pourrez pas dépasser sans lésion ou sans blessure
  • vous rencontrez un frein musculaire et vous pourrez plus ou moins progresser selon l’élasticité de vos tissus.

Mais comment distinguer le frein osseux que l’on appelle « le point de compression » (dixit Paul Grilley) de la limitation due à un manque de souplesse de mes muscles ? C’est très simple… Il suffit de vous asseoir au sol, jambes tendues et d’écarter au maximum vos cuisses l’une de l’autre. Observez vos ressentis… D’où vient la sensation de ne pas pouvoir aller plus loin ?

 

  • Si vous sentez que ça tire à l’intérieur des cuisses, alors vous êtes sur une limitation due à la tension musculaire. En étirant vos adducteurs notamment, vous devriez pouvoir aller plus loin.
  • Si vous êtes très souple et que vous ne ressentez pas de tension à l’intérieur des cuisses mais plutôt un point de blocage sur la face externe de vos cuisses, assez haut (c’est-à-dire au niveau de la hanche anatomique), alors vous êtes arrivé au « point de compression ».

 

  • Si vous n’êtes pas très souple, je vous conseille de faire l’exercice sur une chaise (pas la peine de lever les bras comme sur la photo ;-)) : avec les genoux pliés, vous ne risquez pas de rencontrer d’obstacles musculaires à l’intérieur des cuisses…
    Asseyez-vous donc au bord de l’assise de façon à avoir les cuisses libres et parallèles au sol avec les pieds bien posés à plat ; sentez l’avant de vos ischions enfoncés dans le support et écartez vos cuisses l’une de l’autre. A un certain moment, vous allez sentir qu’il n’est pas possible d’aller plus loin, non pas parce que ça tiraille à l’intérieur, mais parce que quelque chose vous limite sur la face externe de la cuisse. Vous venez de trouver votre « point de compression ».

Pour une fois, n’hésitez pas à comparer avec votre voisin pour voir les différences d’écart qui peuvent exister d’une personne à l’autre…

 

Le point de compression, concrètement, c’est quoi ?

Le point de compression, c’est l’endroit où deux os se rapprochent tellement l’un de l’autre que cela éveille une sensation de « blocage » qui ne vient pas d’un manque d’étirement. Dans le schéma ci-dessous on voit bien le fémur (plus exactement le grand trochanter) qui vient buter sur l’aile iliaque. Alors bien sûr il faut en plus s’imaginer la chair et les tissus, pincés entre le fémur et l’aile iliaque (les deux os ne sont donc pas en réalité à frotter l’un contre l’autre…). Quoiqu’il en soit, il est impossible d’aller plus loin, ça bloque…

Il ne faut pas imaginer pour autant que la compression c’est toujours mauvais, bien au contraire ! L’os se nourrit de compression, car la pression est indispensable à l’ostéogénèse (formation et développement de l’os), aux métabolismes et à la nutrition du cartilage. Ce qui est mauvais c’est de forcer dans l’articulation, de ressentir de la douleur et de vouloir quand même aller plus loin en se disant que l’on va progresser et dépasser de nouvelles limites. Les point de compression ne devraient jamais être dépassé, car une fois le cartilage ou l’os abîmé, il n’est plus possible de les reconstruire…

 

L’exemple du labrum…

Peut-être avez-vous entendu parler de ce souci de « labrum » que rencontrent certains pratiquants de yoga… Il est impossible de déterminer si c’est un problème génétique, si cela vient des activités de la vie quotidienne ou si c’est spécifiquement lié à la pratique du yoga, en tout cas c’est un bon exemple de ce qu’il ne faut pas faire…

Le labrum est un anneau de cartilage (en vert sur l’image) qui est une sortie d’extension du cotyle (le trou rond dans le bassin) et qui permet une bonne stabilité de l’articulation de la hanche. Plus mou que le tissu osseux, il peut légèrement se déformer pour répondre aux contraintes de l’articulation. Lorsque j’ouvre ma jambe sur le côté (abduction) comme dans le shéma de droite ci-dessous, remarquez le labrum fait un léger pli. C’est tout à fait normal, et comme j’ai conscience qu’il s’agit de mon point de compression, je ne force pas. Mais si je cherche à tout prix à augmenter mon écart entre mes deux jambes et que j’ignore les signaux de mon corps, je risque fort de provoquer des lésions qui ne seront pas récupérables.

 

Capture écran des vidéos d’anatomie 3d de l’université de Lyon1 (Youtube : la hanche)

 

Même si nous avons tous deux bras, deux jambes et l’air à peu près semblables, la capacité de nos tissus à s’étirer et notre squelette sont différents. Il est courant de voir des pratiquants réguliers de yoga, satisfaits de leur progression pendant deux ou trois ans abandonner la pratique car frustré de ne pas pouvoir aller encore plus loin…
Ils ont étirés leurs muscles, se sont assouplis et ont bien gagné en amplitude. Mais l’envie de progresser est encore là, avec l’idée de ressembler bientôt à la posture du magazine ou à la professeure. Mais s’ils ont réussi à dépasser leur tension musculaire, il ne leur sera pas possible de dépasser leurs limitations osseuses. C’est à ce moment là qu’il faut être encore plus proche de son corps, sentir ce qui est bon. C’est aussi l’occasion de sortir de l’idée du yoga comme assouplissement du corps. Le yoga est aussi un assouplissement du mental ; apprendre à lâcher la performance, travailler le souffle, les bandhas et les visualisations permet de vivre les postures différemment, de sentir toute leur force et de travailler à un niveau plus subtil.

Bonne pratique !

 

 


Sources :

  • https://yinyoga.com/ ; site de Paul Grilley
  • Bernie Clark et Paul Grilley ; Your body, your yoga, éd. Wild Strawberry
  • Youtube, anatomie 3d de la hanche de Lyon 1.

Pour les images : pixabay, pexels et Canva Pro.


4 réflexions sur “D’où viennent mes limitations dans les postures ?

  1. Intéressant cet article, merci Eugenie
    Depuis quelques mois, quand je suis assise en posture de méditation, je sens un blocage dans ma hanche gauche, et suis obligée de mettre un coussin sous le genoux gauche qui n’arrive pas à toucher le sol; est ce un problème d’étirement musculaire que je peux corriger ? Ou d’os ?

    J’aime

    1. Coucou Laurence,

      Merci pour le petit mot, contente que l’on ait pu régler ça en cours collectif depuis… La prise de la posture assise demande une bonne souplesse de hanche, qui se travaille sur le long terme. mais il est aussi possible de trouver des adaptations en attendant que « tout soit prêt ».
      En tout cas, si avant tu pouvais t’asseoir en étant à l’aise et que c’est moins le cas maintenant, il y a de fortes chances que ce soit plus une question de raideur que de frein osseux…
      Je te conseille de jeter un oeil sur l’article lié à l’assise : https://yogasatya.fr/2016/11/30/une-bonne-assise-en-yoga/

      Tu devrais y trouver ton bonheur…
      A très vite !

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