Construire sa posture de yoga depuis l’intérieur
L’anatomie de la posture comme chemin vers Soi
Je rentre d’une semaine intensive de pratique de Yoga et d’anatomie. Une semaine à pratiquer 7 heures par jour, à regarder des planches anatomiques, un squelette, à sentir à l’intérieur de soi les muscles, les os, les étirements, le corps qui bouge. Une semaine à accompagner mon corps sur son chemin et à rencontrer un peu de mon âme…
Comme j’ai pu le dire dans un article précédent, la posture ne fait pas le Yoga, elle ne permet pas d’atteindre l’éveil, l’état d’Union et ne conduit pas à la grâce. Elle n’est qu’un moyen, une manière d’apprivoiser son corps, un support pour poser son esprit, déposer le mental et se calmer… Mais pour cela, la posture doit se vivre depuis l’intérieur. C’est ce qu’explique Arnaud Desjardins quand il dit : « Avant d’aborder les postures de yoga, dissipons un malentendu. Sur la voie, on ne peut plus dire : « Je prends une posture », mais « J’entre dans une posture ». Et c’est de l’anatomie comme entrée dans le monde des postures dont j’aimerais vous parler aujourd’hui.
Posture extérieure vs posture intérieure
Regarder une posture dans un cours, une vidéo, un article de magazine, un livre… et essayer de la reproduire sur soi n’a rien à voir avec le fait de construire la posture soi-même, depuis l’intérieur. Quand on prend un modèle extérieur, on applique à son corps une forme qui ne lui appartient pas. On singe quelque chose, on impose une forme, on plaque artificiellement quelque chose sur soi. C’est encore le mental qui agit et domine, la volonté qui plie le corps jusqu’à ce qu’il ressemble à ce qui a été décidé. C’est ce que Arnaud Desjardins appelle « prendre la posture ».
Or, le Yoga au sens de « chemin vers l’Union », vers la découverte de soi, en demande un peu plus… Imiter un modèle ne suffit pas pour se reconnecter à soi, revenir vers l’intérieur et se découvrir. Il faudrait pour cela plutôt « entrer dans la posture », la considérer depuis l’intérieur, prendre le temps de la préparer, de rencontrer son corps dans l’instant, l’accompagner et voir ce qu’il a à nous proposer aujourd’hui.
Et pour accompagner son corps, l’anatomie peut être une voie privilégiée…
L’anatomie pour construire sa posture de l’intérieur
L’anatomie pour l’anatomie ne suffit pas, même si cela permet de vivre la posture sans se blesser, en respectant son corps et en le faisant travailler au mieux. Par contre, l’anatomie peut être un chemin, une voie pour rencontrer la posture depuis l’intérieur.
Utiliser l’anatomie, c’est sentir où sont nos muscles et nos os, c’est aussi sentir nos forces et nos faiblesses, c’est expérimenter nos capacités et nos limites. Visualiser le bas de mon dos, sa courbe, les vertèbres, les muscles autour, c’est sentir plus précisément ce que mon corps a à offrir. C’est sentir jusqu’où je peux me baisser sans me blesser, jusqu’où je peux aller tout en laissant en paix mes lombaires sensibles ; c’est observer les compensations qui se mettent en place, les chemins de traverse que prend le corps pour éviter telle ou telle zone… Pourquoi d’ailleurs cette zone ne veut-elle pas être visitée ? C’est aussi sentir que tel endroit résiste, que « ça ne passe pas ». Et pourquoi cet endroit, pourquoi ce côté et pas l’autre ? Qu’est-ce que mon mental et mon âme y ont déposé ? De quelle blessure cet endroit est le reliquaire ?
Alors j’accompagne, je cherche, j’expérimente le mouvement de plusieurs manières, je contracte certains muscles, j’essaie de dissocier celui-ci de celui-là, je vais moins loin dans le mouvement et je débusque les compensations… Et parfois un sanglot sorti de nulle part jaillit. Il y a quelque chose là, à cet endroit précis. Quelque chose qui se cache et murmure, quelque chose qui a été découvert, un morceau d’âme accroché au corps peut-être, en tout cas quelque chose dont il faut prendre soin, quelque chose qui a besoin de nous, qui requiert notre attention et notre cœur, notre bienveillance et notre amour. Avec un peu de chance, c’est aussi une porte pour mieux entrer en soi et se découvrir…
La posture n’est toujours pas là, je suis toujours dans l’entrée, je la prépare, mais je suis déjà sur le chemin du Yoga. Mon mental est absorbé par ma chair, il n’est que sang, muscle, os et vibration. Parce qu’avec le temps et la pratique, cette attention portée sur la chair se fait de plus en plus fine. Au début, je contracte à fond pour bien sentir, je déploie de la force, je m’épuise. Mais petit à petit, le mouvement se fait de plus en plus subtil, et je sens non seulement mes muscles, mais aussi mes os, mon sang qui circule, les forces qui se déplacent dans le corps selon ce que je lui demande, le souffle qui change de direction…
Préparer, garder, quitter
Quand les muscles ont réussi à s’entendre, que les forces s’équilibrent, alors la posture tient presque toute seule, sans effort. Et c’est le moment de laisser le souffle l’habiter, d’observer où il se dirige, comment il se déplace. On n’intervient plus, il n’y a aucune résistance, on laisse être et on observe…
Puis lentement, en conscience on quitte la posture et on observe à nouveau, sans intervenir, ce qui s’est passé dans le corps, ce que cela a changé. Peut-être rien, peut être quelque chose…
C’est une des voies que l’on peut explorer, elle peut prendre des années mais elle a le mérite de ne jamais nous ennuyer. C’est une quête perpétuelle de Soi. « L’asana se prépare, se garde et se défait. Mais il ne se répète pas. Jamais. Il est unique dans le sacré de l’instant, sans dualité. Le philosophe grec disait: « On ne se baigne jamais deux fois dans la même rivière ». De même, on ne prends jamais deux fois la même posture. Tout est unique, d’instant en instant. »[1]
C’est ce que j’essaie de vous transmettre, à chaque cours, à chaque atelier sur l’anatomie.
Prendre soin du corps c’est un peu prendre soin de son âme.
[1] : Traditions indiennes, Patrick Mandala, Collection « Santé naturelle », Éditions Dangles, 2004. Le philosophe dont il est question est Héraclite d’Ephèse 🙂
[2] : Le travail d’anatomie dont il est question ici est celui tout particulier de Serge Gastineau qui s’inspire de l’ostéopathie de Dominique Martin.
2 réflexions sur “L’âme dans les Postures”