Dos et Yoga – Prendre ou ne pas prendre son pied en Pince …

 

Paschimottanasana – clefs pour la préparer

Paschimottanasana pince dos

Paschimottanasana

Le grand étirement de l’Ouest

Posture mystérieuse, voire mystique, Paschimottanasan permet de faire monter l’énergie vitale (le prana) dans notre canal central énergétique (Sushumna), provoquant ainsi un état de clarté, de conscience éveillée… Mais avant d’y arriver, voici quelques clefs pour ne pas se casser le dos en route.

 

Quand j’ai commencé le yoga, Paschimottanasana m’attirait et me faisait en même temps énormément souffrir. J’avais lu des tonnes de descriptions sur ses bienfaits, ses effets énergétiques, sa capacité à rassembler le mental et à le calmer, soulager les problèmes de dos, etc… Alors pendant plusieurs mois je l’ai pratiquée, cherchant à toucher aussi bien mes orteils que la prof. Je le payais toute la semaine en ayant mal aux lombaires ; mais je me disais, sans trop savoir : « c’est bien, ça travaille ! Ça progresse ! »

 

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Ce n’est pas parce qu’on a mal que « ça travaille… »

 

Heureusement, au bout d’un moment, ayant toujours mal au dos, j’ai laissé tombé pour passer à d’autres postures… Jusqu’à ce que je fasse ma formation en yoga et anatomie et que je comprenne enfin pourquoi j’avais mal au dos !!! Et c’est tellement logique !!

 

Il y a pince et pince…

Quand on commence en yoga, on pense surtout selon la « logique des extrémités », c’est-à-dire que l’on regarde où sont les mains, les pieds, la tête et on essaie de faire pareil, sans trop regarder comment le corps travaille au milieu…

Pour la pince, on s’acharne ainsi à vouloir toucher ses pieds alors que l’essentiel de l’exercice n’est pas du tout là ! Voilà ce que ça donne quand on n’est pas préparé :

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Obnubilé par le désir de vouloir toucher nos pieds, on prend le dos en otage et on se fait mal au dos…

Dans la photo ci-dessus, la flexion est faite non pas au niveau des hanches anatomiques [1], mais de la taille. Le bassin n’a pas pivoté vers l’avant, la colonne est cassée à hauteur du nombril au niveau des lombaires, les épaules et les côtes sont rapprochées du bassin au lieu d’en être éloignées. Il y a un enroulement du dos qui raccourcit l’avant du buste, écrase les viscères, bloque la respiration et pousse sur le périnée.

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Le bassin n’a pas bougé (on a peut-être même roulé sur « le gras des fesses », vers l’arrière) on a juste « cassé » le dos au niveau lombaire.

 

Qu’est- ce qui fait mal au dos dans Paschimottanasana ?

Que se passe-t-il si on reste trop longtemps ou que l’on fait trop souvent une mauvaise posture de la Pince Assise ? Déjà c’est douloureux. Puis avec le temps on fragilise ses disques intervertébraux car la courbe n’est pas répartie sur l’ensemble de la colonne comme ça devrait, mais sur une ou deux vertèbres. Ce sont ces vertèbres et ces disques (en rouge sur le schéma du dessus) qui portent toute le poids, ce qui peut mener au lumbago ou à la hernie discale (surtout si en plus on est assis toute la journée ou que l’on porte des charges).

Nous avons vu dans l’article sur les lombalgies, hernies & Cie comment se fabrique une hernie discale. Ça ne vient pas d’un coup, mais lentement, avec la fragilisation du disque due à la répétition d’un mauvais mouvement. Avant que la hernie se déclare, la douleur viendra le plus souvent d’abord des muscles du bas du dos qui vont se contracter pour protéger vos vertèbres et vos disques, pour vous éviter d’aller trop loin… Ce sont des signaux à écouter 🙂

 

Le noyau, poussé vers l’arrière du disque, fragilise les fibres qui à la longue se fissurent. Le liquide contenu dans le noyau fuit et le le disque presse sur les nerfs du canal rachidien. C’est la hernie. 

 

 

Paschimottanasana… en vrai

Du coup on fait quoi ? On renonce à la Pince et à toutes les autres flexions ? Rassurez-vous, on ne renonce à rien, on adapte !

Ca donne quoi une vraie Pince Assise ? Quand la posture est correctement exécutée (ici, photo de B.K.S. Iyengar, Yoga Dipika), le bas du dos est parfaitement plat, il n’y a aucune cassure dans la colonne, la ligne semble étirée et harmonieuse (observez l’espace dans l’avant du corps, les côtes sont loin du bassin !).

 

La flexion est faite à partir des hanches. Ce n’est pas du tout la colonne qui se plie vers l’avant, mais le bassin qui pivote sur l’articulation de la hanche (je ne parle pas de la taille, mais bien des hanches anatomiques [1]) et qui entraîne avec lui la colonne, la faisant basculer vers l’avant. L’avant du buste reste long et étiré, la respiration est facile, le ventre n’est pas comprimé, la cage thoracique est loin du bassin et les épaules ne sont pas dans les oreilles.

 

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Observation de la bascule du bassin : le schéma 1 montre un bassin dans l’axe, debout (voir la ligne de crête bleue). Schéma 2, le bassin a bien basculé vers l’avant à partir de la hanche, la ligne bleue de crête s’est verticalisée.

 

 

Pourquoi je n’y arrive pas ?

Comment faire pour savoir si vous êtes bien placés ? D’abord écoutez vos sensations. Le corps est bien fait et en général, on a mal. Ce n’est pas une douleur d’étirement, c’est lancinant, désagréable et on a l’impression de lutter pour rester dans la posture. Bref, le corps se contracte et il y a de la tension. La douleur peut ensuite rester quelques jours et on sent bien que ce ne sont pas des courbatures. C’est juste un signal d’alarme : on a sur-étiré l’arrière des disques, les muscles se sont contractés pour les protéger.

Pourquoi je n’y arrive pas ? Souvent, le bassin ne bascule pas vers l’avant. On a beau chercher à emmener la poitrine loin devant, allonger la colonne en tirant les bras vers le ciel avant de partir en flexion, on se retrouve plié en deux au niveau du nombril. Qu’est-ce qui s’est- passé ? C’est le bassin qui a basculé vers l’arrière. On se retrouve assis sur le gras des fesses parce que les muscles de l’arrière des jambes retiennent le bassin vers l’arrière et l’empêchent de basculer. Il est possible de travailler sur cet étirement grâce à des exercices spécifiques (comme le gros orteil endormi).

 

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Les muscles de l’arrière des jambes sont trop courts et retiennent le bassin, empêchant les ischions de reculer vers l’arrière.

 

Pour faire la pince sans prendre le dos en otage, il faut donc soit trouver des adaptations qui permettent de réduire la traction des ischio-jambiers (muscles de l’arrière des jambes qui nous empêchent de faire basculer le bassin vers l’avant), soit étirer ces muscles. Cela peut prendre plusieurs mois, mais vous en tirerez des bénéfices au quotidien et cela soulage les lombalgies chroniques…

 

Quelques adaptations pour Paschimottanasana…

Voici la règle d’or pour toutes les flexions :

« Pliez les genoux plutôt que le dos » (ou allez moins loin).

Et si on vous répond que vous ne progresserez jamais si vous ne faites pas un petit effort pour tendre vos jambes, pensez que si !! Mais pas avec cette posture, choisissez plutôt d’étirer l’arrière de vos jambes dans une posture où le dos ne peut pas être pris en otage (bientôt un article plus complet sur le sujet)

 

Pliez les genoux plutôt que le dos

Ne cherchez pas à toucher vos pieds. Si le bassin ne bascule pas, pliez les genoux pour le libérer et permettre la bascule (vous vous sentez alors assis sur les ischions).

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Photo Melina Meza

 

Allez moins bas

Si vous voulez garder vos jambes tendues, allez aussi loin que vous le permettent l’étirement de vos jambes. Ne cherchez pas à aller bas en vous pliant en deux, vous devez toujours sentir le contact des ischions (os pointus des fesses) sur le sol. Vous pouvez vous appuyer sur une chaise sous laquelle vous auriez préalablement glissé vos jambes.

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Le bas du dos est long, la colonne droite. Mieux vaut cette variante que de forcer pour aller plus bas…

 

Ces conseils pour la Pince Assise, sont valables pour toutes les flexions, c’est-à-dire dès l’instant ou l’angle jambe hanche dépasse 90°.

 

 

Si vous souhaitez aller plus loin dans votre pratique et mieux comprendre les compensations prises par le dos dans certaines postures, la façon dont il est possible de se corriger, comprendre les freins qui nous empêchent de prendre correctement les postures et comment les lever, n’hésitez pas à venir aux ateliers dédiés au dos…

 

En résumé…

Pour ne pas abimer son dos, notamment dans les flexions (pince assise, debout et variantes) :

  • commencez par étirer l’arrière de vos jambes
  • ne cherchez pas à vouloir absolument toucher les pieds
  • pliez les genoux, gardez le bas du ventre posé sur le haut des cuisses, le bas du dos plat.
  • gardez le dos long, la dynamique est celle d’allonger l’avant du buste, d’éloigner la cage thoracique de la poitrine.
  • Ne rajoutez pas de charge, souvent on tend les bras vers le ciel avec l’illusion que cela va allonger le buste. Mais c’est plus lourd et ça ne libère pas le bassin de la traction des jambes.

N’oubliez pas qu’aucune posture de yoga n’est à proscrire, il est possible de tout faire, mais en adaptant la posture à ce qui est possible pour corps au moment où vous pratiquez. Travaillez avec douceur, laissez vos objectifs et votre volonté de côté pour être attentif à ce qui s’offre dans l’instant.

 

Pour terminer, une petite vidéo explicative sur le disque, faite par l’excellente chaîne de Lyon 1.

 


[1] Hanches : le langage commun associe les hanches à ce qui est en réalité la taille. Il ne s’agit pas dans ce contexte des hanches de « mettre ses poings sur les hanches », mais des hanches anatomiques. Ces hanches anatomiques se situent plus bas. Pour les trouver, il vous suffit de repérer les plis de l’aine (là où passe le slip), de trouver le milieu, et sous vos doigts, bien profond, se trouvent vos hanches 🙂 On les sent aussi quand on se couche de profil sur une surface dure. Il y a un os qui presse le sol au niveau du haut de la cuisse, ce sont aussi les hanches (en orangé sur le schéma ci-dessous).

hanche anatomique

Sources :

  • Blandine Calais-Germain : Anatomie pour le mouvement
  • Ray Long : Les postures clefs du yoga

Photos :

  • Bandhayoga.com
  • B.K.S. Iyengar, Yoga Dipika

13 réflexions sur “Dos et Yoga – Prendre ou ne pas prendre son pied en Pince …

    1. Coucou Josiane,

      Oui, c’est en effet le point le plus important. Etirer l’arrière des jambes sans compensation et sans prendre le dos en otage. C’est l’objet de l’article que je suis en train d’écrire… Je pensais le finir avant mon départ en Inde, mais je pars demain et ça n’est pas terminé. Promis, je le poste à mon retour, dans un peu moins de 3 semaines 🙂

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  1. donc, il faut un travail assidu d’étirement des ischios jambiers pour de meilleures flexions avant…en ce moment, je fais du yoga tous les jours mais je ne sens pas encore trop de changement…je pense que cela prendra beaucoup de temps…merci Eugénie

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    1. Merci Céline pour le petit mot !

      Et en effet, il faut un travail assidu des ischio-jambiers. Ils sont la clefs de beaucoup de choses parce qu’ils contrôlent (avec les quadriceps) la bascule du bassin qui est nécessaire pour les flexions.
      Si tu souhaites vraiment progresser, il faut les étirer un peu tous les jours. De mon côté je suis plutôt raide au niveau musculaire, et cela fait environ 5 ans que je pratique régulièrement cet étirement (2 ans que je le fais tous les jours – mais c’est parce que sinon j’ai des soucis de dos) et j’ai énormément gagné. Je ne pensais pas qu’il serait possible de changer à ce point !
      Donc patience en effet…

      Bonne pratique !

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